Une approche coopérative entre les pairs pour promouvoir des relations saines et l’égalité

Image
""

La participation des élèves à la création d’une culture de lutte contre la violence à caractère sexuel dans les écoles

Lorsque les élèves parlent du harcèlement et de la violence à caractère sexuel, leurs pairs les écoutent. C’est ce qu’ont découvert Ophea et trois organismes partenaires (Draw-the-Line/Traçons-les-limites, Egale Canada Human Rights Trust, White Ribbon) avec le soutien de la Commission des étudiants du Canada lorsqu’ils ont mis en branle l’initiative Agents/Agentes de campagne. Cette initiative a vu le jour à la suite d’une table ronde organisée par Condition féminine Canada lors des années scolaires 2015-16 et 2016-17.

Cette initiative, qui avait pour but d’aider 105 écoles de l’élémentaire et du secondaire à lutter contre les principales causes du harcèlement et de la violence à caractère sexuel, est maintenant terminée. Cependant, la dynamique engendrée demeure et avec l’essor des campagnes #MoiAussi et #OnAgit (#MeToo et #TimesUp) sur les réseaux sociaux et l’attention médiatique suscitée, le temps est opportun pour parler aux élèves des questions de violence à caractère sexuel ; ou mieux encore, de les faire parler entre eux.

Il est important de faire participer les élèves fréquemment à des conversations sur le consentement et les relations saines dès un jeune âge !

Une femme sur trois en Ontario est victime de violence à caractère sexuel au cours de sa vie[i]; il est donc impératif d’enseigner aux élèves l’importance des relations saines et de l’égalité des sexes afin de prévenir cette violence. Comme l’explique Véronique Church-Duplessis, responsable de projets bilingues pour White Ribbon, un organisme qui incite les hommes et garçons à promouvoir l’égalité des sexes et à prévenir la violence dans leur vie, et un partenaire de l’initiative Agents/Agentes de campagne, « Il n’est jamais trop tôt pour apprendre à respecter autrui. »

L’initiative Agents/Agentes de campagne visait autant les élèves de l’élémentaire que du secondaire, car comme pour toute autre habileté, il faut s’exercer pour apprendre comment établir et maintenir des relations saines. Il en va de même pour le concept du consentement dont l’apprentissage se fait graduellement. Il n’est pas nécessaire de commencer en parlant de sexualité, bien que le sujet devrait être abordé au fil du temps. Comme l’explique Sarah Christie, responsable de projets bilingues chez Ophea, « Si un enfant ne comprend pas le concept du consentement pour ce qui est de tirer les cheveux de quelqu’un ou de prendre des morceaux Lego, comment le comprendra-t-il à l’adolescence lorsque les technologies, l’alcool et bien d’autres facteurs entrent en ligne de compte ? »

En y ajoutant la voix des élèves, les leçons sur les relations saines passent à un autre niveau.

Les programmes-cadres révisés d’ÉPS de l’élémentaire et du secondaire abordent les thèmes des relations saines, du respect et du consentement, et la Loi pour des écoles tolérantes exige que les conseils scolaires préviennent et luttent contre les comportements inappropriés et irrespectueux chez les élèves, notamment l’intimidation, la discrimination et le harcèlement. Les élèves sont déjà sensibilisés par les enseignants et la direction au sujet des relations saines et du consentement, mais ces messages résonnent encore plus lorsque ce sont les pairs qui les disséminent. Selon Sarah Christie, les élèves ne s’écoutent pas les uns les autres de la même façon qu’ils écoutent les adultes : « Pour engendrer un changement durable au sein des élèves, il faut que des élèves participent à la diffusion du message. Le message se rend alors au-delà de la salle de classe… et de l’école. Lors d’une fête ou d’un match sportif, il est à espérer que ces élèves seront plus conscients des comportements inappropriés et qu’ils seront plus à l’aise de les dénoncer. »

Bien entendu, avant que les élèves puissent assumer le rôle d’agent ou d’agente de campagne, il fallait les aider à développer les habiletés requises pour mener des conversations respectueuses et s’assurer que des adultes alliés pouvaient les accompagner pour aborder d’éventuelles situations délicates.

Au début, il ne fut pas facile d’obtenir l’adhésion des écoles et des enseignants. « Ces conversations peuvent être éprouvantes et ces sujets difficiles à aborder, particulièrement lorsqu’on a affaire à des enfants, » explique Mme Christie. Cependant, dès la première séance de formation, elle fut impressionnée par la confiance et le respect des enseignants envers les points des vues de leurs élèves. « C’était réjouissant », explique-t-elle. « Il leur aurait été facile de dire “Ça va trop loin” ou “Ça dépasse les limites”, mais ils ne l’ont pas fait. »  En fait, après la formation, les élèves et leur enseignant-allié avaient des perspectives et des idées nouvelles à présenter à l’école de façon créative.

Après avoir acquis les habiletés requises, avec de l’accompagnement, les élèves participants ont pu développer de précieuses aptitudes de leadership en s’exerçant à donner l’exemple et en échangeant avec des pairs. « Un élève a même dit, “Si je peux parler de ça à mes pairs, je peux parler de n’importe quoi !” »,explique Mme Christie en riant.

La créativité des élèves peut engendrer des changements durables.

Les élèves ont ensuite eu à élaborer des façons créatives de disséminer dans leur école des messages sur la prévention du harcèlement et de la violence à caractère sexuel.

Un groupe d’élèves du secondaire a choisi d’utiliser les ressources de la campagne Traçons-les-limites, comprenant des vidéos et des mises en situation pour lancer des discussions. Par exemple : « Ton chanteur préféré a agressé sexuellement sa blonde. Télécharges-tu son dernier album ? » ; « Tu trouves dans les toilettes des graffitis dégradants au sujet d’une élève trans. Signales-tu ce message ? »  

Le groupe traça une ligne de craie au débarcadère pour les autobus scolaires. Ils ont accueilli les élèves avec les mises en situation afin de lancer des discussions. Ils ont aussi organisé une journée de smoothies gratuits ; des messages positifs étaient inscrits sur chaque gobelet distribué afin d’engendrer des discussions.

Entretemps, au palier élémentaire, deux élèves de 7e année ont fait des présentations à des classes de la 4e à la 8e année sur l’identité de genre, l’expression du genre et la violence fondée sur le sexe. Les présentations ont été accueillies favorablement, mais quelques semaines plus tard, les élèves leaders ont remarqué des affiches sur les murs publicisant une danse à l’école. Les affiches suggéraient aux garçons de porter des complets et aux filles de porter de jolies robes.

« Les élèves ont réfléchi, réévalué leur approche et décidé de remettre en question les normes exprimées, » explique Mme Christie. Ils sont retournés faire des présentations, cette fois-ci pour les élèves plus jeunes, dans l’espoir de dissiper les stéréotypes fondés sur le genre avant qu’ils ne soient ancrés dans leur esprit. L’équipe d’élèves a apporté des sacs cadeaux achetés dans un magasin à un dollar. Une princesse était dessinée sur un sac, et sur l’autre, un superhéro. Ils ont fait deviner aux élèves de 2e année ce qui pourrait se trouver dans les sacs, puis leur ont fait piger une surprise des sacs afin de montrer que ce qui se trouvait à l’intérieur ne correspondait pas nécessairement avec l’extérieur. « C’était une façon simple, mais créative et visuelle d’aborder l’expression du genre avec de jeunes élèves, » explique Mme Christie.

Des ressources sont disponibles.

Les écoles participantes ont gagné l’accès à des réseaux, et ont acquis des ressources, des connaissances et une meilleure compréhension de la violence à caractère sexuel. Cela leur permettra d’aller de l’avant s’ils poursuivent leurs efforts en ce sens. « Je crois que plusieurs des participants ont réalisé à quel point le problème est systémique, » déclare Mme Christie. « Il ne s’agit pas toujours de violence physique. Les gens pensent généralement à une agression ou un viol, mais cette initiative a permis aux écoles d’examiner des choses que nous acceptons et tenons pour acquises dans notre société, et de saisir l’occasion de les intégrer à la discussion ».

Si votre école souhaite se pencher sur la prévention de la violence à caractère sexuel, de nombreuses ressources sont à sa disposition. Vous pouvez consulter une série de webinaires (en anglais) de l’initiative Agents/Agentes de campagne à partir de la chaîne YouTube d’Ophea. Le consentement, le respect, les formes saines et malsaines de masculinité et le genre font partie des sujets abordés.

Ophea a aussi élaboré la ressource Idées pour passer à l’action : Croissance et développement qui peut être téléchargée gratuitement. Elle vient en aide aux élèves et aux adultes alliés dans la planification et la mise en œuvre d’activités abordant des sujets associés à la croissance et au développement (p. ex., image corporelle, diversité, relations saines, développement et santé sexuelle, habiletés de vie, autoefficacité, estime de soi). La ressource propose des activités qui peuvent être utilisées telles quelles ou adaptées, notamment des installations d’arts visuels, des rassemblements éclair, et la diffusion de messages sur les réseaux sociaux !

Les enseignants intéressés peuvent aussi commencer en consultant des ressources sur lesquelles était fondée l’initiative Agents/Agentes de campagne : Traçons-les-limitesÇa commence avec toi. Ça reste avec lui. et le matériel pour les enseignants de la campagne Traçons-les-limites.

De plus, les écoles qui cherchent des ressources pour encadrer la mise en place d’une campagne à l’échelle de l’école pourraient également s’inscrire à la Certification écoles saines d’Ophea : une démarche en six étapes visant à améliorer la capacité des écoles ontariennes à aborder un sujet de santé prioritaire. Ce programme commence chaque année en septembre et se déroule tout au long de l’année scolaire.

L’initiative Agents/Agentes de campagne est terminée, mais la conversation se poursuit…

« Nous avons récemment entendu parler d’une école qui a mis en œuvre un plan pour l’ensemble de l’école. Nous sommes très heureux d’entendre parler des efforts qui se poursuivent au-delà de l’initiative, » raconte Mme Christie. Après tout, la prévention de la violence à caractère sexuel est un sujet très vaste. « Ce n’est pas quelque chose que l’on peut mettre en œuvre en un temps trois mouvements, » ajoute-t-elle. « Une école doit commencer par déterminer un point de départ et la façon de progresser ».

Qui plus est, ce sujet évoluera avec les élèves au fur et à mesure qu’ils vieillissent et passent à travers divers stades de développement. En guise de conclusion, Mme Church-Duplessis affirme, « Je pense que maintenant que les gens deviennent plus à l’aise avec ce sujet, il y a plus de possibilités d’entretenir des conversations courageuses. » Et une conversation courageuse à la fois, de vrais changements se produisent.

 


[i]Traçons-les-limites, 2016