L’heure juste sur la légalisation du cannabis : une chronique informative

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Nous avons récemment rencontré Jean-François Crépault, analyste principal des politiques du Centre de toxicomanie et de santé mentale, pour discuter de la légalisation du cannabis. Il mène les efforts du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) en matière de politique publique sur l’usage de substances, y compris l’élaboration et la communication de politiques fondées sur des données probantes pour les gouvernements et divers acteurs. Il est l’auteur principal du Cadre stratégique pour le contrôle du cannabis de CAMH ; ce cadre a préconisé une réforme juridique axée sur la santé publique visant à réduire les méfaits du cannabis et a influencé le débat sur les approches en matière de santé publique relativement à la consommation de substances au Canada.

Lisez ce qui suit pour en apprendre plus sur le raisonnement à la base de la légalisation du cannabis et sur ce que cela signifie pour les jeunes.

Ophea : Pourquoi le gouvernement a-t-il légalisé l’an dernier l’usage du cannabis à des fins non médicales ?

J.F. Crépault : Justin Trudeau avait promis en 2013 que s’il était élu, le Parti libéral du Canada légaliserait l’usage du cannabis à fins des non médicales. (Il est possible de se procurer légalement du cannabis à des fins médicales depuis 2001.) Deux raisons justifient cette décision : empêcher les enfants de s’en procurer et garder les profits hors des milieux criminels. La loi sur le cannabis adopte une approche priorisant la santé.

Ophea : Le cannabis est-il une substance nocive ?

J.F. Crépault : La consommation de cannabis comporte des risques pour la santé. Le tétrahydrocannabinol (THC) est la principale composante psychotrope du cannabis. La consommation de cannabis ayant un taux plus élevé de THC mène à des facultés plus affaiblies à court terme et augmente le risque d’éprouver certains problèmes d’ordre médical à long terme, particulièrement des problèmes de santé mentale. La plupart des gens qui consomment du cannabis ne subiront pas de conséquences néfastes, mais certains éléments augmentent de façon importante les risques, notamment la consommation fréquente (quotidienne ou quasi quotidienne) et la consommation qui commence à un jeune âge.

Ophea : Donc, le cannabis cause plus de tort aux jeunes qu’aux adultes ?

J.F. Crépault : Le cerveau en développement est particulièrement vulnérable aux méfaits associés à la consommation de cannabis ; les adolescents et les jeunes adultes jusqu’à l’âge de 25 ans sont donc plus à risque.

Ophea : Que signifie la légalisation pour les jeunes ?

J.F. Crépault : Avant la légalisation, les jeunes Canadiens avaient un des taux de consommation de cannabis les plus élevés du monde parmi les jeunes. La légalisation fait en sorte notamment que les jeunes, ainsi que les adultes, ne sont plus passibles de sanctions pénales pour la possession ou la consommation de cannabis. C’est un point positif.

La légalisation permet de réglementer le cannabis et de disséminer des messages visant à réduire les risques associés à sa consommation. Grâce à sa légalisation, il est plus facile de faire passer le message que les jeunes devraient songer à attendre avant de consommer du cannabis, et s’ils en consomment déjà, qu’ils devraient prendre des précautions pour réduire les méfaits ; par exemple, en consommer moins fréquemment, consommer des produits ayant un taux moins élevé de THC, éviter de le fumer (p. ex., vapoter du cannabis cause moins de tort que de le fumer), et éviter de conduire après en avoir consommé.

Bien entendu, la seule façon d’éliminer les risques est de ne pas en consommer. Autrement dit, l’abstinence demeure le choix le plus sûr, mais pour bien des jeunes et des adultes, il ne s’agit pas d’un choix réaliste.

Ophea : Y a-t-il des mesures en place pour protéger les jeunes ?

J.F. Crépault : Plusieurs mesures sont en place pour protéger les jeunes : l’âge minimum de 19 ans ; des peines plus sévères pour la distribution de cannabis à une personne mineure ; des restrictions en matière de publicité et de promotion ; des exigences strictes en matière d’étiquetage (tous les produits doivent être vendus dans des emballages neutres et normalisés) et de nouvelles lois concernant la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis.

Les données d’autres pays semblent indiquer que la légalisation du cannabis n’est pas liée à un taux de consommation plus élevé parmi les jeunes. Le but est que le cannabis soit disponible légalement pour les adultes sans pour autant encourager les jeunes à en consommer et sans le commercialiser par des campagnes de marketing et des emballages tape-à-l’œil.

Ophea : Quels sont les défis à relever pour l’avenir ?

J.F. Crépault : Il est important que les jeunes (et les adultes !) comprennent que la légalisation du cannabis ne signifie pas que sa consommation ne comporte aucun risque. La légalisation et la réglementation du cannabis nous permettent plutôt de parler plus ouvertement des risques et de les réduire plus efficacement.

Un des défis à relever sera de sensibiliser les gens au fait que la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis est illégale, et que c’est une très mauvaise idée. Les études révèlent que la consommation de cannabis altère de façon importante les réflexes et la motricité d’un individu pendant plusieurs heures.

En dernier lieu, les gouvernements devront maintenir leur position relativement aux restrictions en matière de publicité et de promotion. Nous savons que les jeunes qui sont exposés à de la publicité sur les produits alcoolisés et le tabac sont plus susceptibles d’en consommer, et nous ne souhaitons pas que cela se produise pour le cannabis.

Merci à J.F. Crépault du Centre de toxicomanie et de santé mentale d’avoir répondu à nos questions sur la légalisation du cannabis.

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Ophea et le Programme de soutien au système provincial de CAMH